7 mars 1945 - Allemagne: capture du pont Ludendorff à Remagen

La prise du pont de chemin de fer de Remagen, sur le Rhin, en début d'après-midi du 7 mars 1945, est un extraordinaire coup de chance pour les Alliés, un évenement inattendu qui va complètement bouleverser les plans d'opérations du général Dwight D. Eisenhower. Tard dans la matinée de ce 7 mars, des véhicules de reconnaissance appartenant à la Compagnie Able du 14ème Bataillon de chars, une unité intégrée au sein du Combat Command B de la 9ème Division blindée "Phantom" du III Corps de l'US Army, et commandée par le lieutenant Karl H. Timmermann, débouchent des bois de l'Eifel (prolongation des Ardennes en Allemagne) sur un chemin secondaire qui surplombe le Rhin, en face de la ville de Remagen.

Au premier coup d'oeil vers le fleuve, Timmermann et ses hommes restent ébahis, incrédules et n'en croient pas leurs yeux: il y a un pont qui enjambe le Rhin, un pont encore intact! Et surmonté d'une double voie ferrée qui franchit le fleuve. Inscription sur la photo ci-dessous: "Vous traversez le Rhin à pied sec grâce à la 9ème Division blindée."




Le spectacle est inattendu et spectaculaire, et même sans aucun doute unique dans le paysage allemand de mars 1945. En effet, depuis le début de l'année, les responsables allemands des points de passage sur le Rhin ont reçu l'ordre formel d'Adolf Hitler de faire sauter les 47 ponts (22 routiers et 25 ferroviaires) immédiatement après que les troupes allemandes auront atteint la rive orientale du fleuve: aucun de ces ouvrages ne doit, sous peine de mort du responsable, tomber intact aux mains des Alliés. La double voie ferrée sur le pont Ludendorff de Remagen conduit, sur la rive orientale, à un tunnel traversant une colline, le Erpeler Ley, et dans lequel sont entassés civils et militaires allemands en déroute. Pourquoi le pont est-il encore intact à ce jour? Personne ne connait la réponse. Ce mystère s'explique peut-être par le retard dans les opérations d'évacuation de la population civile de la rive gauche du Rhin qui n'a pas permis de le détruire en temps voulu. Peut-être aussi les Américains sont-ils arrivés plus tôt que les Allemands ne le prévoyaient.

Photo ci-dessous: vue du pont Ludendorff de Remagen, depuis le sommet de l'Erpeler Ley, après sa capture. Le soldat dont le cliché est pris de dos est Don Feltner, du 66ème Bataillon de Tank Destroyer affecté à la 9ème Division blindée.



Situation générale des fronts alliés début février 1945.

En ce début de février 1945, après la conclusion de la Bataille des Ardennes et l'élimination du saillant allemand, la situation du front est redevenu stationnaire sur le front Ouest. Les Anglo-Américains sont pratiquement revenus sur les positions qu'ils occupaient à la veille de l'Opération Wacht am Rhein, le 15 décembre 1944, le long de la Ligne Siegfried. Le Troisième Reich en est désormais réduit à défendre le "Réduit National". Les Allemands occupent de solides positions de défense. A l'est, ils sont disposés le long de l'Oder-Neisse. A l'ouest, ils bénéficient des défenses et installations de la Ligne Siegfried, sur toute la largeur du front, des Pays-Bas à la frontière suisse.

A l'Est, comme prévu, l'Armée Rouge exécute la Campagne Vistule-Oder. Elle s'élance le 12 janvier de la Vistule, en Pologne, et en moins d'un mois, au terme d'une offensive foudroyante, elle franchit 480km et atteint la frontière orientale de l'Allemagne et l'Oder. Le 2 mars, sur la rive de l'Oder, elle se trouve à 70km de la capitale ennemie et, épuisée, elle marque le pas. Désormais, sa priorité est de nettoyer les poches de résistance qu'elle a laissé derrière elle, de conquérir les pays Baltes et la Prusse-Orientale.

Photo ci-dessous: offensive foudroyante de l'Armée Rouge en Pologne (12 janvier - 2 février 1945). Un ISU-122 traverse la ville de Lodz.


Après l'échec de l'opération Market-Garden, les Alliés s'interrogent sur la manière de donner le coup de grâce au Troisième Reich et d'envahir le coeur de l'Allemagne. Contrairement à septembre 1944, où le maréchal britannique Bernard L. Montgomery avait "imposé" une offensive en un seul point du front pour atteindre le coeur industriel de l'Allemagne, la Ruhr, le Commandement Suprême Allié (SHAEF) du général américain Dwight Eisenhower se décide cette fois pour une offensive générale sur l'ensemble du front.

Carte ci-dessous: situation du front occidental le 8 février 1945.



Opérations Veritable, Grenade et Lumberjack: la Course au Rhin (Rhineland Run).

1° Opération Veritable.

Comment donner le coup de grâce au Troisième Reich sur le Front Occidental? Au nord, dans le secteur anglo-canadien du XXIème Groupe d'Armées opposé à la 1ère Armée allemande de parachutistes de Kurt Student, l'état-major de Montgomery met au point les Opérations Veritable et Grenade. Depuis la région de Nimegue-Groesbeek, la 1ère Armée canadienne du général Henry Crérar, avec les divisions du XXX Corps britannique, exécute l'opération Veritable. Elle doit attaquer et percer les lignes allemandes vers le sud-est à travers la zone forestière du Reichswald, en direction de Xanten où, dans un large mouvement d'enveloppement, elle effectuera sa jonction avec la 9ème Armée américaine du lieutenant-général William H. Simpson (Opération Grenade).

L'offensive anglo-canadienne débute le 8 février, mais la 1ère Armée canadienne doit affronter des obstacles naturels, des terrains détrempés et gorgés d'eau, et avance à l'allure d'escargots. Elle prend du retard sur l'horaire programmé. Elle perce la ligne Siegfried le 10 février, mais il lui faudra au moins deux semaines pour franchir le Reichswald.

Photo ci-dessous: en février 1945, la 1ère Armée canadienne pénètre en Allemagne et franchit le Reichswald.





2° Opération Grenade.

La 9ème Armée américaine doit pour sa part attaquer vers nord-est et franchir les barrages de la Roer. Initialement programmée le même jour que l'offensive anglo-canadienne, en raison de pluie, de la boue et du dégel, l'offensive de Simpson est reportée au 23 février. Le double objectif sur la Roer n'est finalement rempli qu'à moitié: si les Américains arrivent bien à s'emparer du barrage de l'Urft, les Allemands ont cependant le temps de saboter celui de Schwammenauel. Le retard pris tant par les Anglo-Canadiens que par les Américains permettent à la plupart de forces allemandes d'effectuer une retraite et d'échapper à la manoeuvre d'encerclement des Alliés.

Photo ci-dessous: fantassins de la 30ème Division d'infanterie américaine, appuyée par des chars Sherman, pendant l'Opération Grenade (février 1945).



3° Opération Lumberjack.

L'offensive de la 1ère Armée américaine du lieutenant-général Courtney H. Hodges, qui fait face grosso-modo à la 15ème Armée Allemande de Gustav-Adolf von Zangen et à l'aile droite de la 5ème Panzerarmee de Hasso von Manteuffel, démarre le 21 février 1945, sous de bien meilleures hospices que les unités du XXIème Groupe d'armées. Elle avance très facilement, en rencontrant peu d'opposition, vers l'est et le sud-est, direction Dusseldorf, Cologne et Coblence, sur le Rhin. L'objectif intermédiaire, la Roer, est franchie le 1er mars. Les unités allemandes des LXXXI Korps (9ème et 11ème Divisions panzers, 476ème, 363ème et 59ème Divisions d'infanterie) et LVIII Panzerkorps (353ème et 12ème Divisions d'infanterie, 3ème Division de Panzergrenadiers) refluent précipitament et en désordre vers le Rhin.

La 1ère Armée américaine comprend, de gauche à droite, les VII Corps (99ème, 104ème et 8ème Divisions d'infanterie, 3ème et 4ème Divisions blindées), III Corps (1ère et 9ème Divisions d'infanterie, 9ème Division blindée), et enfin V Corps (28ème, 69ème et 106ème Divisions d'infanterie).

Carte ci-dessous: avance de la 1ère Armée américaine vers le Rhin (1er-7 mars 1945):


Plus au sud, encore, la célèbre 3ème Armée américaine du lieutenant-général George Patton avance dans la Sarre, nettoie les rives de la Moselle, et atteint le Rhin le 10 mars. Dans le secteurs de la 1ère Armée française, le général de Lattre de Tassigny termine le nettoyage de la poche allemande de Colmar.

Le 4 mars 1945, les Américains de la 1ère Armée capturent Euskirchen. Le lendemain, ils atteignent Cologne, où ils doivent se livrer à de durs combat de rue. Plus au sud, dans la zone d'opération du III Corps, l'élément de pointe, le CCB de la 9ème Division blindée Phantom, s'approche de la ville de Remagen, l'atteignant à l'aube du 7 mars.

Photo ci-dessous: épave d'un char Panther devant la cathédrale de Cologne, le 6 mars 1945.




Capture du pont Ludendorff.

1° Approche du pont: la "Bataille de Remagen".

Dans les premières heures de la matinée du 7 mars 1945, les véhicules de la Compagnie A du 14ème Bataillon de chars, commandée par Karl H. Timmermann, débouchent de la forêt sur une hauteur surplombant la ville de Remagen, située sur le Rhin à environ mi-distance entre Cologne et Coblence. Les Américains sont sidérés par ce qu'ils contemplent: la vue sur le pont Ludendorff intact est spectaculaire. La nouvelle ne tarde pas à remonter toute la chaîne de commandement de la 9ème Division blindée, sous les ordres du major-général John W. Leonard. Les ordres initiaux, qui sont de ne s'emparer que de la ville, puis de rejoindre la 3ème Armée de Patton dans la région de Coblence, plus au sud, changent totalement: il faut maintenant s'emparer le plus vite possible du pont, car des prisonniers et des déserteurs allemands ont indiqué que le commandand du secteur Remagen, le major Hans Scheller, a l'intention de faire sauter le pont à 16h.


A 9h, le brigadier-général Thomas L. Harrold, à la tête du Combat Command B, ordonne donc au lieutenant-colonel Leonard E. Engeman, commandant du 14ème Bataillon de chars, de constituer une Task Force pour s'emparer de l'ouvrage. Cette Task Force consiste en un peloton du 89ème Escadron de reconnaissance, avec quelques M8 Greyhound, de la Compagnie A du 27ème Bataillon d'infanterie blindée, équipé de M3 Half-Track et commandé par le major Murray Deevers, d'un peloton de la compagnie B du 9ème Bataillon du génie blindé, dirigé par le lieutenant Hugh Mott, et enfin des trois compagnies du 14ème Bataillon de chars, commandés respectivement par les lieutenants Karl H. Timmermann, Jack Liedke et William E. McMaster.

Timmermann, qui est lui-même d'origine allemande, est né à Frankfurt-sur-le-Main en 1922, à 160km au sud-est de Remagen, et a immigré aux Etats-Unis en 1924. A 22 ans, il a été promu la veille, le 6 mars, au commandement de la Compagnie Able du 14ème Bataillon de chars. Cette unité est le fer de lance de la Task Force Engeman chargée de s'emparer de l'ouvrage, laquelle compte des M4 Sherman et 4 nouveaux chars lourds M26 Pershing, dont elle va tirer grandement profit. Répartis en colonnes sur trois axes différents de progression, les hommes de Timmermann profitent du chaos provoqué par leur arrivée pour traverser la ville de Remagen, pratiquement sans opposition exceptés quelques foyers de résistance ici et là, la grande majorité des Jeunesses Hitleriennes et les vieillards de la Volksturm stationnés dans la ville ayant fuit en franchissant le pont au cours des jours précédents. Les Américains sont davantage gênés par les manoeuvres des chars dans les petites rues étroites, que par la résistance ennemie elle-même, et perdent du temps pour arriver jusqu'à l'ouvrage.

Photo ci-dessous: en 2014, la stèle commémorative du lieutenant Karl H. Timmermann (tué le 21 octobre 1951 en Corée), à West Point dans le Nebraska, où il suivit sa scolarité.



A 15h, un des trois pelotons de Timmermann, commandé par le sous-lieutenant Emmett James "Jim" Burrows, et les quatre Pershing arrivent aux pieds des deux grandes tours qui gardent l'entrée du pont, mais une grande explosion secoue l'air: les sentinelles alllemandes qui gardent l'entrée nord du pont ont eu, avant de se réfugier dans le tunnel, le reflexe d'actionner le dispositif de destruction des deux pilliers massifs soutenant l'ouvrage, une heure avant sa destruction programmée. Mais inexplicablement, seule une partie des explosifs ont fonctionné, creusent un énorme cratère à travers le plancher du pont, au niveau du pilier nord (1).



2° La prise du pont.

Mais une fois la fumée de l'explosion dissipée et la poussière retombée, le pont est toujours là, apparemment sans dommages sérieux apparents, excepté l'énorme trou dans le plancher au niveau du pilier nord. A 15h30, Timmermann ordonne l'assaut. Un énorme cratère sur le chemin bloquant l'entrée du pont aux véhicules, lui et ses hommes doivent traverser l'ouvrage à pieds en courant, en s'abritant derrière ses structures métalliques, et rejoignent très vite la rive opposée du fleuve, sous le tirs de mitrailleuses ennemies placées sur une barge au voisinage du pont et dans les tours de garde. Tandis que des civils allemands disparaissent dans le tunnel et que les GIs traversent le pont, en éliminant les postes de mitrailleuses ennemies dans les tours, trois artificiers du 9ème Bataillon du génie, le lieutenant Hugh Mott lui-même, les sergents John Reynolds et Eugene Dorland, profitent de la confusion et parviennent à couper les fils du second détonateur qui n'a pas fonctionné et des petites charges placées sur toute la longueur sous le plancher du pont. Le sergent Alexander A. Drabik, du peloton Burrows, est le premier soldat américain à poser les pieds sur la rive opposée du Rhin, après avoir parcouru au pas de charge les 117 mètres de l'ouvrage. Il est également le premier militaire étranger à franchir le fleuve mythique depuis les guerre napoléoniennes.

Photos ci-dessous: 1° Pont de Remagen. On distingue les dommages causés à la structure par l'explosion au niveau du pilier nord. 2° Le sergent Alex Drabik est le premier soldat américain à traverser le pont de Remagen, en cet après-midi du 7 mars 1945. Il est décoré de la Distinguished Service Cross (DSC).




Le pont ferroviaire de Remagen, bien qu'endommagé, vient de tomber en moins d'une demi-heure aux mains des Américains, pratiquement sans livrer le moindre combat. La nouvelle de sa prise et de la traversée du Rhin à Remagen fait rapidement le tour du front et remonte toute la chaine de commandement alliée, suscitant partout une très vive surprise, particulièrement au GQG des forces expéditionnaires alliées en Europe (SHAEF), à Versailles. Eisenhower, lorsqu'il en est informé dans la soirée, modifie complètement ses plans d'opérations, pourtant complexes et très rigides, et ordonne au général Omar Bradley, commandant du XIIème Groupe d'armées, dont dépend la 1ère Armée américaine de Hodges, de faire converger toutes ses divisions vers un unique point. De les faire traverser le Rhin sur le pont Ludendorff.

Pendant quinze jours, fait unique dans la mémoire collective des riverains, les civils allemands, stupéfaits et incrédules, vont voir défiler dans leurs rues toute la panoplie du "Charodrome" américain: chars, half-track, obusiers automoteurs, jeeps, engins du génie, etc. Des véhicules de toutes sortes et de toute taille, roulant au pas, pare-choc contre par pare-choc, jours et nuits sans interruption pendant deux semaines. Ce qui constitue pour la police militaire chargée de regler le traffic routier, de véritables casse-têtes.

Photos ci-dessous: 1° Vue du pont Ludendorff du côté nord, après sa capture par la 9ème Division blindée. 2° Entrée du tunnel sous l'Erpeler Ley.




Dans la soirée de ce 7 mars, 8,000 soldats américains auront réussi à traverser le Rhin sur le pont Ludendorff. Par une extraordinaire faculté d'adaptation, les Américains sont ainsi en mesure d'exploiter totalement la chance inouïe qui leur est offerte. La 9ème Division blindée établit sans délai une solide petite tête de pont au-delà du Rhin.

Photo ci-dessous: travaux de consolidation du génie pontonnier américain, quatre heures avant l'effondrement du pont.


L'incroyable nouvelle arrive également au bunker de la Chancellerie, à Berlin, où la fureur d'Hitler est indescriptible. Avec une court martiale itinérante et improvisée, il fait condamner à mort et fusiller quatre officiers: les trois majors Hans Scheller, August Kraft et Herbert Strobel, le lieutenant Karl Heinz Peters. Un cinquième, capturé par les Américains, est jugé et condamné à mort par coutumace: le capitaine Willi Bratge.

Le commandant en chef du front Ouest (OB-West), le maréchal Gerd von Rundstedt, considéré comme responsable de ce "catastrophique évenement", est relevé le 10 mars de ses fonctions et remplacé par le maréchal Albert Kesselring, rappelé d'Italie. "C'est un homme fini, je ne veux plus en entendre parler", déclare Hitler.

Très utile et efficace, surtout du point de vue psychologique, la conquête du pont de Remagen ne constitue pas pourtant un épisode décisif dans le déroulement de l'offensive alliée: en effet, un seul pont sur le Rhin ne représente pas en soi une solution stratégique. Il faudra encore beaucoup d'efforts et d'autres têtes de pont dans les jours qui suivent, en amont et en aval de Remagen, pour que les Alliés puissent franchir en force le Rhin, dernier obstacle naturel pour pénétrer dans le coeur de Allemagne. Les Allemands, conscients de l'importance de l'ouvrage, lanceront plusieurs attaques aériennes dans le but de le détruire à tout prix, mais sans succès. Y compris avec les nouveaux bombardiers à réaction Arado Ar-234 et 11 fusées V2.

Vidéo ci-dessous: Prise du pont de Remagen par la compagnie du lieutenant Timmermann. Documentaire Nat Géo Channel (2014).


Dessin ci-dessous: des bombardiers à réaction Ar-234 attaquent le pont de Remagen.


Le 17 mars 1945, dix jours après sa capture par la 9ème Division blindée, l'ouvrage s'écroule tout seul dans le Rhin. Mais pour les Allemands, il est désormais trop tard.



(1) A l'origine, les artificiers allemands devaient installer 600 kg d'explosif militaire. Mais en raison des pénuries et de la confusion, ils installèrent à la place 300kg de charges industriels, la donarite (mélange nitrate ammonium), à l'efficacité moindre, qu'ils doivent répartir sur les deux piliers. Seul le détonateur de la charge du pilier nord fonctionne.


Ruines du pont Ludendorff aujourd'hui.

Aujourd'hui, du pont Ludendorff ne subsistent plus que les quatre tours de garde. Un musée de la paix se trouve depuis le 7 mars 1980 à l'intérieur des deux tours situées sur la rive occidentale, du côté de la ville de Remagen. L'initiateur de ce musée était l'ancien maire de la ville, Hans Peter Kürten, qui vendit pour la première fois le 7 mars 1978 des pierres du pont en tant que souvenirs. Cette action connu un écho important et c'est avec les recettes de la vente de ces pierres et de nombreuses photos d'époque qu'il est parvenu à rassembler les fonds nécessaire à l'aménagement du musée.



Série documentaire "Grandes Batailles de la Seconde Guerre mondiale"
(Henri de Turenne et Daniel Costelle) - Vidéo Youtube.


"Les Grandes Batailles" est une série d'émissions télévisées historiques de Daniel Costelle, Jean-Louis Guillaud et Henri de Turenne diffusée à la télévision française dans les années 1960 et 1970, qui décrit les principales batailles de la Seconde Guerre mondiale ainsi que le procès de Nuremberg. Les émissions donnent la parole aux officiers ayant participé à ces batailles ainsi qu'à des historiens. Ces interventions alternent avec des extraits de reportages. Les commentaires sont d'Henri de Turenne.


La campagne d'Allemagne 1945 - 2° Bataille de Berlin.













Article modifié le 7 mars 2020.


Sources principales:
Luddendorf Bridge (Wikipedia.org)
Operation Lumberjack (Wikipedia.org)

Guerres en ex-Yougoslavie - Pour se souvenir de Vukovar, Srebrenica et Sarajevo

Quelques rappels de faits historiques étayés et de commentaires personnels pour tenter d'expliquer que le barbarisme et la monstruosité du nationalisme d'extrême-droite ne sont pas morts en 1945 dans les ruines de Berlin. Je vais relater ici quelle fut l'horreur de la purification ethnique planifiée et pratiquée par les Serbes, avec l'aide de l'Armée Fédérale Yougoslave (JNA) de Slobodan Milosevic, en Croatie, en Bosnie-Herzégovine et au Kosovo.

J'expliquerai comment, encore une fois, l'ONU, l'opinion publique internationale et les divers gouvernements de la Communauté européenne, pourtant toujours si prompts à dénoncer les "crimes" d'Israel au Moyen-Orient, baissèrent les bras et contemplèrent pratiquement sans réagir le dernier conflit ethnique et religieux européen du 20ème siècle, images de colonnes de réfugiés, de massacres et de "camps de concentration" que le monde entier n'avait plus vu depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale... Jusqu'à l'intervention directe de l'administration Clinton et des forces armées de l'OTAN dans les Balkans à la fin de l'année 1995.




Plan d'ensemble général et table des matières.

[Blogosphère Mara] Origine et causes des conflits de l'ex-Yougoslavie

[Blogosphère Mara] Conflit en Croatie (1991-1995)

[Blogosphère Mara] Conflit en Bosnie-Herzégovine (1992-1995)

[Blogosphère Mara] Conflit au Kosovo (1998-1999)



Raisons et causes des conflits dans l'ex-Yougoslavie.

Pour mieux comprendre le comment et le pourquoi de cette tragédie, il faut se replonger dans l'histoire de la République Fédérale Populaire de Yougoslavie, fondée par le Croate Jozip "Tito" Broz en 1945, et gouvernée par le Parti Communiste yougoslave.

La République Fédérale Populaire de Yougoslavie (RFPY) est le nom de l'Etat socialiste de Yougoslavie à partir du 29 novembre 1945, lors du premier rassemblement du parlement à Belgrade. Son premier président est Ivan Ribar et le Premier ministre Josip Broz. En 1953, Tito est élu à la présidence.


Le 31 janvier 1946, la constitution de la RFPY voit le jour et créé six Républiques.

  1. République socialiste de Bosnie-Herzégovine. Capitale: Sarajevo.

  2. République socialiste de Croatie. Capitale: Zagreb.

  3. République socialiste de Macédoine. Capitale: Skopje.

  4. République socialiste de Monténégro. Capitale: Titograd (aujourd'hui Podgorica).

  5. République socialiste de Serbie. Capitale: Belgrade. Incluant:
    • Province socialiste autonome du Kosovo. Capitale: Pristina.
    • Province socialiste autonome de Voïvodine. Capitale: Novi Sad.

  6. République socialiste de Slovénie. Capitale: Ljubljana.


Les cinq premières années d'existence de l'Etat communiste yougoslave voient se développer la répression contre les opposants: Eglises, mouvements nationalistes tant croates que serbes.

A la différence des autres Etats d'Europe Centrale et de l'Est, la Yougoslavie a la possibilité de se détacher de la tutelle et de l'influence de Moscou. Elle n'est ni membre du Pacte de Varsovie, ni membre de l'OTAN, et initie le mouvement des Etats non-alignés avec Gamal Abdel Nasser et Jawaharlal Nehru.

La modification la plus significative de ses frontières a lieu en 1954 lorsque le territoire libre de Trieste est dissous par le traité d'Osimo. La "zone-B" de 515.5km² du territoire, déjà occupée par l'armée populaire yougoslave, intégre la RFPY.

Le 7 avril 1963, la RFPY est renommée République Fédérale Socialiste de Yougoslavie (RFSY). Cet Etat communiste, tout comme la RFPY, s'étend sur les territoires des Etats, aujourd'hui indépendants, de Bosnie-Herzégovine, de Croatie, du Kosovo, de République de Macédoine, de Serbie, du Monténégro et de Slovénie.

En 1979, Tito est élu Président à vie. Mais il meurt l'année suivante, le 4 mai 1980. Les tensions communautaires entre les différentes Républiques de la SFRY et différents groupes ethniques, et plus particulièrement entre Serbes et Albano-Kosovars, s'accroissent alors. Si bien qu'en 1991, la Croatie, la Slovénie, la Macédoine et la Bosnie-Herzégovine font sécession, provoquant avec l'armée fédérale de Yougoslavie (JNA), contrôlée par les Serbes, plusieurs conflits armés (1991-1999).

Après les Accords de Paix de Dayton, en 1995, la Yougoslavie ne compte plus que deux républiques: la Serbie et le Monténégro, qui formeront la République Fédérale de Yougoslavie (RFY). Celle-ci sera dissoute et renommée Communauté d'Etats Serbie-et-Monténégro en 2003.

Puis cette communauté éclate à son tour, en se séparant en deux Etats totalement indépendants le 3 juin 2006, après la proclamation de l'indépendance du Monténégro suite à un référendum populaire.


Slobodan Milosevic et le Parti communiste de Serbie (1984-1992).

Slobodan Milosevic, parfois orthographié Slobodan Milosevitch, nait le 20 août 1941 à Pozarevac, en Serbie, et décède d'un infarctus du myocarde le 11 mars 2006 à Scheveningen, aux Pays-Bas, pendant son procès au Tribunal Pénal International de l'ONU pour l'ex-Yougoslavie (TPIY), où il est jugé pour crime de guerre, crime contre l'humanité et crime de génocide, pour son rôle actif et sa responsabilité dans les conflits qui ont ensanglanté les Balkans de 1991 à 1999. Il est inhumé une semaine plus tard, le 18 mars, dans sa ville d'origine.

Milosevic commence à s'intéresser à la politique en 1959 pendant ses études à la Faculté de droit de l'Université de Belgrade, et rejoint la branche estudiantine de la Ligue des Communistes de Yougoslavie. Durant cette période universitaire, il fait la connaissance et devient un des plus proches amis d'Ivan Stambolic, dont son oncle Petar occupe le poste de Premier ministre communiste de Serbie.

En 1964, il termine ses études de droit. Il travaille d'abord dans l'industrie (Technogaz), où Stambolic est également employé, et devient le PDG de cette société en 1973. Avant de se spécialiser dans la finance, où il exerce de 1978 jusqu'en 1983 la fonction de directeur de la Beogradska Banka (ou Beobanka), la "Banque de Belgrade".

Milosevic entame sa carrière politique le 16 avril 1984 lorsqu'il est élu pour un mandant de deux ans président du Commité du Parti Communiste de Belgrade. Il fomente un coup d'Etat, évince et remplace deux ans plus tard, le 28 mai 1986, son ami de longue date Ivan Stambolic, à la tête du Comité Central du Parti Communiste de Serbie, et est réelu à ce même poste en 1988.


Hors des frontières de la Yougoslavie, il commence à faire parler de lui en 1987, lorsqu'il déclare publiquement devant les médias internationaux son soutien à la minorité serbe du Kosovo qui, dit-il, subit "l'oppression du gouvernement serbe de la province du Kosovo, dominé par la majorité albano-kosovar", élevée par la Constitution yougoslave au rang de nationalité, majorité composant alors 88% de la population de cette province autonome.

Le 8 mai 1989, Milosevic est élu Président de Serbie et avance ses idées prônant un nationalisme ethnique. Il décide de "mettre au pas" le Kosovo en annulant toute les mesures autonomistes prises par Tito depuis 1945. Le Communisme étant en déliquescence dans tous les pays de l'Europe de l'Est, il transforme en 1989 le Parti communiste de Serbie en Parti socialiste. Il préside également au changement de la Constitution qui lui permet de se donner des pouvoirs accrus.

Dans l'opposition serbe et y compris dans son propre parti, certaines voix commencent à s'élever contre la menace nationaliste (1), mais le 20 décembre 1992, il est réélu à la présidence, cette fois au suffrage universel direct. Mis en cause par la justice serbe dans des affaires de corruption, de fraudes électorales (les élections de septembre 2000) et d'abus de pouvoir, il est arrêté à Belgrade le 31 mars 2001.

Le 28 juin suivant, la Court Pénale Internationale ayant émis un mandat d'arrêt à son encontre pour sa responsabilité dans le déclenchement et la conduite de la guerre en ex-Yougoslavie, le Premier ministre Zoran Dzindic signe son ordre d'extradition vers La Haye, où il doit répondre devant le TPI des chefs d'accusation de crime de guerre, crime contre l'humanité et crime de génocide. Au cours de son procès, Milosevic meurt d'un infarctus du myocarde dans sa cellule de Scheveningen, aux Pays-Bas, le 11 mars 2006.


(1) Cercle de Belgrade, ou Beogradski Krug. ONG indépendante composée d'intellectuels serbes (philosophes, sociologues, historiens, etc.) défenseurs des Droits de l'homme, opposés au nationalisme et à la politique de Slobodan Milosevic, et fondée en 1991. Le Cercle de Belgrade a publié la revue Republika, organisé des colloques, réunions et prises de positions publiques, édité des ouvrages collectifs dont L'autre Serbie. Certains de ses membres, menacés par la police de Milosevic, ont du s'exiler et ont obtenu l'asile politique à l'étranger, notament en France, au Royaume-Uni et aux Etats-Unis.

Quelques membres illustres: Ivan Colovic, ethnologue, écrivain et professeur de littérature serbe né en 1938 et décoré de la Légion d'honneur par Jacques Chirac en 2001. Bogdan Bogdanovic, architecte et ancien maire de Belgrade, décédé à Vienne, en Autriche, le 18 juin 2010. Vidosav Stevanovic, écrivain. Obrad Savic, philosophe, dissident politique et ancien président de l'Association des Etudiants à l'Université de Belgrade, actuel Président du Cercle de Belgrade, et résidant dans le Massachusetts.



Eclatement de la Yougoslavie et guerres successives (1991-1999).

Le 25 janvier 1990, face à l'intransigeance des Serbes lors du 14ème Congrès de la Ligue Communiste de Yougoslavie, les délégations de la Croatie et de la Slovénie, "Etats indépendants et souverains" aux termes de la Constitution du 21 février 1974, déclarent ne plus adhérer à la République Fédérale Socialiste de Yougoslavie et quittent l'Assemblée. Lorsque la dissolution de cette fédération est constatée en janvier 1992, la Macédoine et la Bosnie-Herzégovine refusent de rejoindre l'union de la Serbie et du Monténégro, que Milosevic a constituée en avril 1992 sous le nom de République Fédérale de Yougoslavie (RFY).

Milosevic entreprend alors de "corriger" par la force les frontières de la Croatie et de la Bosnie-Herzégovine, sous prétexte que "les minorités serbes y vivant depuis le 15ème siècle sont menacés". Ces frontières ont été définitivement fixées en 1945 par Tito mais datent pour l'essentiel de plus de deux siècles, et la Constitution de 1974 précise que c'est "dans le cadre des républiques et des provinces autonomes" que les "peuples et les nationalités" exercent leurs "droits souverains".

Il lance donc deux guerres successives de conquête de territoires et d'extermination (ou expulsion) de leurs populations non-serbes: la première en été 1991 contre la Croatie, avec une Armée Fédérale Yougoslave (JNA) dont il a usurpé le commandement. La deuxième en mars 1992 contre les Bosniaques musulmans, derrière le prétexte d'une "insurrection locale" des Serbes contre le gouvernement légal d'Alija Izetbegovic.

A partir de février-mars 1998, dans la vallée de la Drenica, Milosevic entreprend une série de massacres et de tueries au Kosovo (Prekaz Qirez, Likoshan, Izbica, etc.) pour y provoquer une révolte de la population, albanaise à 88%, et ainsi neutraliser l'opposition serbe sous prétexte d'urgence patriotique. En effet, après les accords de Dayton de 1995, la population serbe, lassée des projets de sa "Grande Serbie" ethniquement pure, lui demande des comptes et vote contre lui: son parti perd les élections municipales de novembre 1996, et l'opposition devra manifester jour et nuit jusqu'en février 1997 pour qu'il finisse par reconnaître les vrais résultats. En juillet 1997, il est néanmoins élu à la présidence de la "République fédérale de Yougoslavie" (RFY).

Photo ci-dessous: charnier d'Izbica, au Kosovo, 1999.


Les massacres serbes au Kosovo qui, sous couleur de contre-insurection, ont fait entre 4,400 et 10,000 morts civils et près d'un million de réfugiés kosovars, finissent par convaincre les pays occidentaux, et en particulier les Etats-Unis, au bout de huit années de violences, que l'action militaire contre Slobodan Milosevic est nécessaire. Le 24 mars 1999, l'OTAN ordonne, contre l'opposition de la Russie au Conseil de Sécurité des Nations-Unies, des frappes aériennes contre la RFY.

L'opération de l'OTAN Allied Force, au bout de 78 jours de bombardements, force Milosevic à signer les accords de Kumanovo le 10 juin 1999, où il s'engage à retirer son armée régulière et ses forces paramilitaires du Kosovo. Le même jour, le Conseil de Sécurité de l'ONU vote la Résolution 1244, qui prévoit une administration provisoire de l'ONU (MINUK) et une présence militaire dirigée par l'OTAN: la KFOR.



Yougoslavie, suicide d'une nation européenne.

Vidéos documentaire de la BBC en six parties datant de 1995 et en version française, très instructives. Elles retracent l'enchainement des évenements et l'histoire entre 1989 et 1995 sur les causes et les responsabilités des guerres en ex-Yougoslavie, des crimes de guerre et génocides planifiés par les Serbes en Bosnie et en Croatie. Les évenements de 1998-1999 au Kosovo n'y figurent cependant pas.













Article modifié le 25 octobre 2019.


Vous pouvez aussi visionner:
Blogosphère Mara, Guerres en ex-Yougoslavie - Origine et causes
Blogosphère Mara, Guerres en ex-Yougoslavie - Conflit en Croatie (1991-1995)
Blogosphère Mara, Guerres en ex-Yougoslavie - Conflit en Bosnie-Herzégovine (1992-1995)
Blogosphère Mara, Guerres en ex-Yougoslavie - Conflit au Kosovo (1998-1999)


Sources disponibles:

Socialist Federal Republic of Yugoslavia (Wikipedia.org)
Breakup of Yugoslavia (Wikipedia.org)
Yugoslav Wars 1991-1995 (Wikipedia.org)